Victimes de viols et agressions sexuelles : rôle de l'avocat

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En France, malgré une hausse remarquable après l’affaire Weinstein, le nombre de plaintes pour viols et agressions sexuelles est infime.

Moins d’une victime sur 10 déclare avoir déposé plainte selon une enquête « Cadre de vie et sécurité » 2012-2017 réalisée par l’INSEE en partenariat avec l’Observatoire National de la Délinquance et des Réponses Pénales (ONDRP) et le Service Statistique Ministériel de la Sécurité Intérieure (SSMSI).

La peur (dans plus de 90% des cas, les victimes connaissent leur agresseur), la honte, la culpabilité, le déni et le manque d’information des victimes qui ne connaissent pas leurs droits expliquent ces chiffres.

L’assistance d’un avocat spécialisé en droit du dommage corporel s’avère donc indispensable tout au long de la procédure depuis le dépôt de plainte jusqu’à l’indemnisation de la victime. Il informera la victime de ses droits et de la manière de les faire valoir, la guidera et l’accompagnera jusqu’à la réparation intégrale de son préjudice. Son expérience et sa spécialisation font de lui un interlocuteur privilégié et à l’écoute.


1°) Viol ou agression sexuelle ?


En matière d’infractions sexuelles, la loi distingue le viol des autres agressions sexuelles.

  • Le viol

Le viol est défini par l’article 222-23 du Code pénal comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ».

La contrainte suppose l’existence de pressions physiques ou morales : par exemple, elle peut résulter de l’autorité qu’exerce l’auteur sur la victime. La menace peut être le fait pour l'auteur d'annoncer des représailles en cas de refus de la victime. La surprise existe quand la victime était inconsciente ou en état d'alcoolémie.

Tout acte de pénétration sexuelle est visé : vaginale, buccale, anale, par le sexe, un doigt ou un objet.


Le viol est un crime puni de 15 ans de réclusion criminelle, 20 ans en cas d’une ou plusieurs circonstances aggravantes.

Il en est ainsi à titre d'exemples:

  • lorsque​ la victime était particulièrement vulnérable (femme enceinte, personne malade ou infirme),
  • lorsque l’acte a été commis sous l’emprise de l'alcool ou de produits stupéfiants,
  • lorsqu’il a été commis par plusieurs personnes,
  • lorsqu’il a été commis avec l’usage de la menace d’une arme,
  • lorsque l’acte a été commis par le conjoint…
  • L’agression sexuelle

L’agression sexuelle est définie à l’article 222-22 du Code pénal comme « un acte à caractère sexuel sans pénétration commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ».

Il peut s’agir par exemple de caresses ou d’attouchements de nature sexuelle.

Aux termes de l’article 222-22-2 du Code pénal, constitue également une agression sexuelle « le fait de contraindre une personne par la violence, la menace ou la surprise à subir une atteinte sexuelle de la part d'un tiers ».


Les agressions sexuelles sont des délits punis de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende (art 222-27 du Code pénal). La peine encourue peut aller jusqu’à 10 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende lorsque l’agression est commise avec une ou plusieurs circonstances aggravantes.


2°) Les délais de prescription du viol et de l'agression sexuelle


Une fois que les délais de prescriptions sont dépassés, la victime ne peut plus agir contre l’auteur des faits.

La consultation d’un avocat permettra à la victime de savoir si les faits qu’elle invoque sont prescrits ou si une procédure peut être engagée contre l’auteur des faits.

L’avocat informera donc la victime de manière à ce qu’elle agisse dans les temps.

Ainsi, en cas de viol sur une personne majeure, la prescription de l’action publique est de 20 ans à compter du jour où il a été commis.

Pour une agression sexuelle, la prescription de l’action publique est de 6 ans à compter du jour où les faits ont été commis.

Pour les victimes mineures, le délai de prescription est reporté à compter de la majorité de la victime. En matière de viol, la victime mineure (quel que soit son âge) disposera d’un délai de 30 ans à compter de sa majorité pour mettre en œuvre l’action publique. Ainsi une victime mineure pourra déposer plainte jusqu’à ses 48 ans. S'agissant des agressions sexuelles, si la victime à moins de 15 ans, le délai de prescription sera de 20 ans après la majorité, tandis qu'il sera de 10 ans à compter de la majorité pour les mineurs de plus de 15 ans.


3°) Le dépôt de plainte


La plainte est l’acte par lequel une personne qui s’estime victime d’une infraction peut en informer la justice.

Elle peut être déposée contre une personne identifiée ou contre X lorsque l’auteur des faits est inconnu.

L’assistance d’un avocat avant même le dépôt de plainte peut s’avérer particulièrement utile ; ainsi l’avocat pourra conseiller la victime pour l’aider à déposer plainte. Par ailleurs, il lui expliquera les délais d’action, le déroulement de la procédure et ses conséquences.

La victime d’un viol ou d’une agression sexuelle peut porter plainte soit auprès d’un service de police ou de gendarmerie, soit par lettre adressée au Procureur de la République.

En cas d’urgence, si le viol vient d’avoir lieu, porter plainte rapidement permet d’éviter le dépérissement des éléments de preuve qui serviront tout au long de l’enquête. Ainsi, il est conseillé à la victime d’apporter les vêtements qu’elle portait au moment du viol ou de l’agression sexuelle de ne pas se laver…


Conformément au principe du guichet unique, la victime d’un viol ou d’une agression sexuelle peut déposer plainte auprès de n’importe quel commissariat de police ou brigade de gendarmerie, quelque soit le lieu de domicile de la victime ou celui de l’infraction.

L’article 15-3 du Code de procédure pénale prévoit quant à lui que tout service de police est tenu de recevoir les plaintes déposées par les victimes d’infractions à la loi pénale et de les transmettre au service ou à l’unité de police judiciaire territorialement compétente.


Le recueil de la plainte constitue le premier acte d’enquête au cours de laquelle il est indispensable d’être assisté. Ainsi, l’avocat pourra accompagner la victime en audition et en confrontation.

Ces premiers moments sont souvent vécus comme une épreuve pour les victimes dont la parole est alors remise en question. Il est courant que la partie adverse soulève le délai que la victime aura laissé s’écouler avant de déposer plainte pour insinuer qu’il ne s’est rien passé.


Par ailleurs, en matière de viols et d’agressions sexuelles il est extrêmement rare que l’auteur reconnaisse les faits qui lui sont imputés, bien au contraire.

La plupart du temps, la partie adverse viendra contester les faits en indiquant :

  • s’il s’agit d’un viol, qu’il n’y a jamais eu d’acte de pénétration sexuelle,
  • s’il s’agit d’une agression sexuelle, qu’aucun acte à caractère sexuel ne peut lui être reproché.

Lorsque l’auteur des faits reconnait l’élément matériel, à savoir l’acte sexuel (attouchements, caresses en cas d’agression sexuelle, pénétration en cas de viol), le plus souvent, l’agresseur viendra dire que la victime était consentante et qu’il ne savait pas (ou n’avait pas compris) qu’elle ne voulait pas.

Ainsi ce sera souvent la parole de l’un contre la parole de l’autre et l’assistance d’un avocat aux côtés de la victime sera alors indispensable pour lui permettre de la préparer au mieux afin qu’elle tienne tout au long de la procédure des propos constants et réitérés face à son agresseur.

En effet, il n’est pas rare qu’une victime d’agression sexuelle ou de viol éprouve un sentiment de honte ou de culpabilité qui l’empêche de s’exprimer librement. L’assistance d’un avocat qui va aider la victime à s’exprimer en lui posant les bonnes questions, en l’interrogeant sur les circonstances et les conséquences de l’infraction permet d’instaurer une relation de confiance, de soutenir et de guider au mieux la victime.


Dans le cadre d’une confrontation, l’avocat pourra demander que certaines questions soient posées à l’agresseur, ce qui pourra s’avérer très utile pour les suites de la procédure.

Enfin l’avocat, dès le début de l’enquête, sollicitera auprès de la victime un certain nombre d’éléments qui permettront de corroborer les faits qu’elle invoque (pièces médicales, attestations, carnets scolaires démontrant une chute des résultats scolaires après l’évènement traumatique).


Au vu du dossier, le Parquet qui a l’opportunité des poursuites, peut décider :

  • de classer sans suite s’il considère qu’il n’y a pas assez d’éléments de preuve ou si l’auteur des faits n’a pas été retrouvé ou identifié,
  • de renvoyer le dossier devant le Tribunal correctionnel s’il s’agit d’un délit, c’est-à-dire en cas d’agression sexuelle,
  • d’ouvrir une information et faire désigner un juge d’instruction afin d’approfondir l’enquête et de recueillir tous les éléments utiles à la manifestation de la vérité.

A ce stade il pourra être proposé à la victime une correctionnalisation des faits (ou déqualification pénale).

Cette pratique consiste à requalifier un viol en agression sexuelle. L’auteur des faits sera alors poursuivi pour un délit et non un crime, encourant ainsi une peine moindre et jugé devant le Tribunal correctionnel au lieu de la Cour d’Assises.

Il y aurait un taux de 60 à 80% de correctionnalisation des viols.

La proposition de correctionnaliser est un choc pour les victimes qui ont alors le sentiment de ne pas être reconnues en tant que telles. De fait, il est indispensable qu’elles y soient préparées par leur avocat.

Il convient de préciser que la correctionnalisation nécessite l’accord de la victime.

Pour certains la correctionnalisation des viols, en plus de désengorger les Cour d’Assises et de diminuer la longueur et la lourdeur de la procédure, aurait l’avantage d’être plus favorable aux victimes qui éviteraient ainsi le risque d’un jury populaire aux Assises, moins sensibilisé à la réalité et à la gravité des violences sexuelles que les juges professionnels devant le Tribunal correctionnel. Cependant le procès d’Assises, contrairement au procès correctionnel, laisse plus de place à la parole de la victime et présente de ce fait un aspect thérapeutique et psychologique non négligeable.

L’assistance d’un avocat aux côtés de la victime lui permettra de décider en toute connaissance de cause, en ayant bien conscience des risques d’une déqualification. 


4°) L’instruction


L'instruction intervient avant le jugement.

Cette phase est obligatoire en matière criminelle (viol), facultative en matière délictuelle (agression sexuelle). 

L’assistance d’un avocat aux côtés de la victime dans le cadre de la procédure d’instruction est indispensable. Ainsi, la victime pourra se constituer partie civile et avoir accès au dossier pénal. A ce stade, l’avocat de la victime a un rôle actif à jouer ; en effet, l’avocat pourra faire des demandes d’actes (demande de confrontation, d’audition de témoins par exemple) et formuler des observations.


En matière de viols ou d’agressions sexuelles, il est rare que le Juge d’instruction ordonne de lui-même une expertise de la victime afin d’évaluer l’ensemble de ses préjudices depuis l’évènement traumatique qu’elle a subi.

Pourtant, en cas de violences sexuelles, les victimes ont un risque important de développer des troubles psycho-traumatiques chroniques, tel un état de stress post traumatique, risque évalué à 60% en cas d’agression sexuelle, et 80% en cas de viol.

C’est ainsi que la victime pourra présenter :

  • des troubles anxiodépressifs sévères,
  • des conduites d’évitement,
  • des troubles du sommeil, de la concentration et de l’attention.

A l’évidence, dans la plupart des cas, la victime d’un viol ou d’une agression sexuelle subira des troubles de l’activité sexuelle constitués :

  • soit, par un évitement de l’activité sexuelle et des rapports amoureux,
  • soit, une difficulté à avoir des rapports sexuels même s’ils sont souhaités,
  • soit, une absence de plaisir lors des rapports.

Les préjudices psychologiques subis par la victime peuvent être tels qu’ils sont susceptibles d’entrainer une désocialisation de la victime qui ne sera plus en mesure de sortir de chez elle et d’aller travailler.

L’avocat de la victime devra alors solliciter la désignation d’un expert afin d‘évaluer les préjudices de la victime sur la nomenclature Dintilhac, permettant, à l’issue de la procédure, sa réparation intégrale.

La nomenclature Dintilhac liste un grand nombre de préjudices personnels, patrimoniaux et extrapatrimoniaux. Chaque poste de préjudice répond à une définition précise et nécessite une indemnisation spécifique qui sera calculée suivant la jurisprudence la plus favorable.


5°) La phase de jugement


L’auteur d’une agression sexuelle sera jugé devant le Tribunal correctionnel, composé de 3 magistrats professionnels, tandis que l’auteur d’un viol sera jugé par une Cour d’Assises composée de 3 magistrats professionnels et d’un jury populaire composé de 6 jurés, qui sont de simples citoyens tirés au sort.  


En principe les débats sont publics, mais la victime pourra solliciter par le biais de son avocat, avant le début de l’audience, qu’ils se produisent à huis clos.                                                     

L’avocat devra alors veiller à informer la victime de ce qu’aucun public ne pourra assister à l’audience, de sorte qu’elle ne bénéficiera pas du soutien d’un proche à ses côtés, sauf exception.


L’audience est une étape psychologiquement difficile pour la victime d’une agression sexuelle ou d’un viol qui se trouve à nouveau confrontée à son agresseur et aux faits l’ayant conduit ici. A nouveau, elle peut sentir un malaise et un sentiment de culpabilité ; le choix d’un avocat spécialisé en qui elle a confiance pour l’assister ou la représenter ce jour est donc essentiel.


Les audiences sont préparées par l’avocat avec la victime.

L’avocat pourra établir une liste des questions qu’il entend poser à la partie adverse, aux témoins et aux experts, et anticiper celles qui lui seront posées.

Là encore l’avocat devra veiller à ce que la victime n’ait pas de propos contradictoires lors de l’audience mais au contraire, tienne des propos constants. En revanche, il pourra soulever les contradictions de la partie adverse.


6°) L’indemnisation de la victime devant la CIVI


Les délais pour saisir la CIVI (Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions) sont de 3 ans à compter de la date de l’infraction ou de 1 an à compter de la dernière décision pénale devenue définitive.

En matière de viol et d’agression sexuelle, la CIVI est compétente pour l’indemnisation des préjudices subis par la victime ; c’est alors le Fonds de Garantie qui réglera les indemnités au titre de la solidarité nationale, en lieu et place de l’agresseur, à charge pour le Fonds d’exercer un recours subrogatoire contre ce dernier.

Ainsi la victime n’aura pas à se soucier de la solvabilité de son agresseur et sera nécessairement indemnisée.

La CIVI peut être saisie à n’importe quel moment. Toutefois, lorsque l’auteur de l’agression conteste les faits, la Commission, dans le cadre d’une bonne administration de la justice, ordonnera, la plupart du temps, un sursis à statuer dans l’attente de la décision pénale statuant sur la responsabilité de l’agresseur.


Il est impératif d’être assisté par un avocat spécialisé dans le cadre de la procédure d’indemnisation. Ainsi, l’avocat formulera les demandes pour la victime poste par poste, sur la base des préjudices retenus par l’Expert dans le cadre de l’expertise sollicitée antérieurement.

En effet, il apparait que l’indemnisation des victimes de viol est supérieure, voire très supérieure lorsqu’une expertise est sollicitée et que tous les postes de préjudices sont indemnisés.

Lorsque les juridictions renoncent à l’indemnisation des préjudices poste par poste au profit d'indemnisations forfaitaires, sans qualification précise de la nature des préjudices indemnisés, il apparaît alors que les sommes allouées sont finalement calibrées sur le type d'infraction (tant pour un viol, tant pour une agression sexuelle...).

Dès lors, lorsqu'une somme forfaitaire est allouée, l'indemnisation des victimes de viols et d'agressions sexuelles s'opère en violation du principe de réparation intégrale et de l'appréciation "in concreto" du préjudice.


En conclusion :

Le rôle de l’avocat aux côtés des victimes de viols ou d’agressions sexuelles est primordial.

Il est le principal interlocuteur de la victime, un accompagnant, un conseiller privilégié et son porte-parole.

Pour ces raisons, il apparaît indispensable d’être assisté au plus tôt de la procédure. Ainsi la victime aura toutes les chances d’être reconnue comme telle, de voir son agresseur condamné et d’obtenir la réparation intégrale des préjudices qu’elle subit.

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Maître Christin, avocat spécialiste en dommage corporel, est au service des victimes de viols et d'agressions sexuelles.

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