Nomenclature DINTILHAC et indemnisation des victimes directes de dommages corporels
-La nomenclature DINTILHAC est le résultat du rapport remis au Garde des Sceaux en juillet 2005 par le groupe de travail présidé par Monsieur Jean-Pierre DINTILHAC, à l’époque, Président de la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation.
Composé de tous les acteurs du dommage corporel, ce groupe était chargé d’élaborer une nomenclature en vue d’améliorer les conditions d’indemnisation des victimes d’un dommage corporel.
La distinction fondamentale opérée par la nomenclature est celle entre les préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux de la victime.
Les premiers sont les atteintes ayant des conséquences économiques directes sur le patrimoine de la victime comme les pertes de salaire. Les seconds sont les atteintes ayant des conséquences non économiques sur la victime qui subit un préjudice du fait de ne plus pouvoir être dans la même situation que celle antérieure à l'accident.
A l'intérieur de chacune de ces deux catégories de préjudices, la nomenclature opère une deuxième distinction entre les préjudices temporaires et permanents.
Pour comprendre la distinction entre ces deux catégories, il est essentiel de parler d'une notion clé en droit du dommage corporel : la date de consolidation. Il s’agit du moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent, tel qu’un traitement n’est plus nécessaire, si ce n’est pour éviter une aggravation. La consolidation doit donc s’entendre de la stabilisation de l’état de la victime.
Les préjudices temporaires sont donc ceux subis par la victime, de la date de l'accident à la date de la consolidation tandis que les préjudices permanents sont ceux subis postérieurement à la date de consolidation.
La nomenclature est venue harmoniser les pratiques d'indemnisation des différentes juridictions puisqu'après 11 ans d'existence elle a été adoptée par la totalité des juridictions judiciaires. Même les juridictions administratives qui conservaient leur propre pratique d'indemnisation, se sont mises à l'adopter progressivement depuis 2013.
Cependant, comme l'a souligné le groupe de travail DINTILHAC, cette nomenclature n'est pas un "carcan rigide et intangible conduisant à exclure systématiquement tout nouveau chef de préjudice sollicité dans l'avenir par les victimes, mais plutôt comme une liste indicative - une sorte de guide - susceptible au besoin de s'enrichir de nouveaux postes de préjudices qui viendraient alors s'agréger à la trame initiale".
Ainsi les victimes peuvent toujours invoquer, un poste de préjudice qui n'est pas énoncé par la nomenclature.
De même, la nomenclature DINTILHAC fait référence à des situations particulières pour illustrer les différents postes de préjudices mais ces dernières ne sont que des exemples et ne sont pas exhaustives ; il est donc possible que d'autres situations soient prises en compte au titre d'un poste de préjudice.
Cette fiche a pour but de reprendre tous les postes de préjudices corporels de la victime directe tels qu’énoncés dans la nomenclature DINTILHAC afin d'en avoir une vision claire et précise.
I/ Les préjudices patrimoniaux
Ce sont les préjudices à caractère économique qui correspondent à des pertes économiques, des gains manqués ou encore à des surcoûts subis par la victime et provoqués par l'accident. Ces préjudices en ce qu’ils relèvent du domaine de l’"avoir" sont donc monétairement quantifiables et il est important de garder tous documents pouvant justifier des dépenses et des besoins de la victime.
A/ Les préjudices patrimoniaux temporaires
1°) Les dépenses de santé actuelles (DSA)
Il s'agit de toutes les dépenses de santé qui sont restées à la charge de la victime entre la date de l'accident et la date de consolidation. Elles comprennent entre autres: les frais médicaux, paramédicaux pharmaceutiques et hospitaliers.
Sur ce poste de préjudice, la sécurité sociale et les organismes sociaux étant souvent amenés à rembourser totalement ou partiellement des sommes à la victime, le coût total des dépenses de santé actuelles n'est donc généralement pas le montant effectivement resté à la charge de la victime. Il faut en effet déduire les montants versés par les organismes sociaux pour obtenir les dépenses de santé réellement restées à la charge de la victime.
Documents justificatifs à réunir :
- Factures ou notes d'honoraries des professionnels de santé,
- Bordereaux de remboursements,
- Créance des tiers payeurs (Sécurité sociale, mutuelles, assurances)...
2°) Les frais divers (FD)
Ce poste vise à indemniser la victime de tous les frais et de toutes les dépenses exposées à titre temporaire. A titre d'exemple on peut citer les honoraires de médecin-conseil, les frais de transport qui ont été rendus obligatoires par l'accident (y compris les dépenses d’aménagement du véhicule), les frais de logement, les frais de téléphone et de télévision durant l’hospitalisation...
La liste n’étant pas limitative, tous les frais exposés par la victime avant la consolidation, qui ont été rendus nécessaires par le fait générateur, pourront être indemnisés.
Documents justificatifs à conserver :
- Factures et justificatifs d'engagement de la dépense,
- Relevé kilométrique et carte grise du véhicule...
Il faut noter que la tierce personne avant consolidation fait partie de ce poste de préjudice dans la nomenclature DINTILHAC.
L’indemnisation de la tierce personne est liée à l’assistance nécessaire du blessé par une aide humaine dans les actes de la vie quotidienne ou afin de préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d’autonomie.
La tierce personne ne se limite pas aux seuls besoins vitaux consistant à se nourrir, se laver et s’habiller, mais doit s’envisager dans toutes les sphères de la vie de la victime.
La tierce personne doit être évaluée selon les besoins du blessé. Son indemnisation n’est donc pas subordonnée à la justification de dépenses effectivement exposées et elle ne saurait être réduite en cas d’assistance familiale.
Documents justificatifs à fournir :
- Attestations de proches ayant assuré la tierce personne (mentionnant la durée de l’aide et sa nature),
- Devis (ou factures) d’organismes prestataires...
3°) Les pertes de gains professionnels actuels (PGPA)
Il s'agit des pertes de revenus totales ou partielles subies par la victime entre la date de l'accident et la date de consolidation. L’évaluation des pertes de gains s’effectue "in concreto".
Ce préjudice est en général constitué par la différence entre les sommes réellement perçues et celles qui auraient dû l’être.
Les indemnités journalières versées à la victime par les organismes sociaux doivent être déduites de ce poste de préjudice.
Documents justificatifs à conserver :
- Bulletins de salaire des années antérieures au fait dommageable et des mois précédant la consolidation,
- Avis d’impôts sur les revenus des années antérieures à l’accident et de l’année de consolidation,
- Justificatifs du versement des indemnités journalières,
- Pièces comptables pour une victime exerçant une activité libérale ou indépendante...
B/ Les préjudices patrimoniaux permanents
1°) Les dépenses de santé futures (DSF)
Il s'agit de tous les frais médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et hospitaliers qui resteront à la charge de la victime à partir de la date de consolidation et qui sont rendus nécessaires par son état de santé.
Comme pour les dépenses de santé actuelles, il faut prendre en compte la part des frais qui sont ou seront remboursés par la sécurité sociale ou tout autre organisme social.
Documents justificatifs à fournir :
- Factures, notes d'honoraires et devis,
- Attestations et certificats médicaux,
- Créances définitives des tiers payeurs et bordereaux de remboursements de la sécurité sociale et de la mutuelle...
2°) Les frais de logement adapté (FLA)
Il s'agit des dépenses engendrées consécutivement à l'accident pour l'adaptation du logement de la victime à son handicap ou pour l'acquisition d'un logement adapté à son handicap.
C’est en principe le surcoût lié au handicap qui donnera lieu à indemnisation. Cependant, en fonction du cas d’espèce, il a pu être accordé à la victime une indemnité représentant le coût total du logement adapté.
Documents justificatifs à réunir :
- Rapports d’expertise (rapport d'expertise architecturale, d’ergothérapie …),
- Devis ou factures de travaux,
- Tout document sur le coût du projet d’aménagement...
3°) Les frais de véhicule adapté (FVA)
Sont ici indemnisés :
- l’adaptation d’un ou plusieurs véhicules adaptés au handicap de la victime,
- le surcoût lié à l’achat d’un véhicule susceptibles d’être adapté,
- le surcoût des frais de transport du fait des difficultés d’accès aux transports en commun.
Documents justificatifs à conserver :
- Devis ou facture de l'adaptation du véhicule...
4°) L'assistance par tierce personne (ATP)
A la différence de l’aide humaine temporaire, la tierce personne permanente est évaluée à partir de la consolidation de la victime qui permet de fixer les séquelles et l’état de dépendance définitif qui peut en découler.
Elle vise donc à indemniser le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière définitive, d’une tierce personne à ses côtés pour l’assister dans tous les actes de la vie quotidienne (tels que l’habillage, la toilette, le ménage, les courses, la préparation des repas, les déplacements), préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d’autonomie.
Documents justificatifs à conserver (Ils sont identiques à ceux nécessaires pour la tierce personne avant consolidation) :
- Attestations des proches ayant assuré la tierce personne,
- Devis (ou factures) de prestataires...
5°) Les pertes de gains professionnels futurs (PGPF)
Il s’agit ici d’indemniser la victime de la perte de ses revenus après la date de consolidation, que cette perte soit viagère ou limitée dans le temps.
Il peut s'agir d'une perte de revenus totale à la suite de l'impossibilité d'exercer son ancien emploi mais également d'une diminution de revenus par l'exercice d'un temps partiel à la place d'un temps plein ou d'un emploi moins bien rémunéré que celui exercé avant l'accident.
Documents justificatifs à fournir :
- Bulletins de salaire des années précédant l'accident et suivant la consolidation,
- Avis d'impôts sur les revenus des années antérieures à l'accident et suivant la consolidation,
- Justificatifs du versement des indemnités journalières,
- Pièces comptables pour une victime exerçant une activité libérale ou indépendante...
6°) L'incidence professionnelle (IP)
L’incidence professionnelle a pour objet d’indemniser non la perte de revenus liée à l’invalidité permanente de la victime, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, la perte d’une chance professionnelle, l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe, la nécessité d’abandonner l’activité professionnelle antérieure au profit d’une autre ou de ne plus exercer une quelconque activité ou encore, la perte totale ou partielle des droits à la retraite.
Documents justificatifs à réunir :
- Avis d’inaptitude ou d’aptitude partielle délivrés par la médecine du travail,
- Lettre de licenciement pour inaptitude,
- Attestations de collègues sur les difficultés rencontrées lors de la reprise du travail,
- Fiches de postes précisant les caractéristiques du travail accompli,
- Attestations de l’employeur …
7°) Préjudice scolaire, universitaire ou de formation (PSU)
Ce poste de préjudice vise à réparer la perte d’une ou plusieurs années d’études, une réorientation, une modification du cursus, l’allongement du temps des études ou encore une impossibilité totale d’être scolarisé.
Documents justificatifs à fournir :
- Diplômes, bulletins scolaires, certificats de scolarité, dossiers scolaires,
- Justificatif des frais d’inscriptions,
- Tout justificatif des salaires proposés par les employeurs en cas de début d’activité professionnelle...
II/ Les préjudices extra-patrimoniaux
Les préjudices extra-patrimoniaux sont dépourvus de conséquences économiques et relèvent du domaine de l’"être".
A/ Les préjudices extra-patrimoniaux temporaires
1°) Le déficit fonctionnel temporaire (DFT)
Il s'agit ici d'indemniser l’invalidité que subit la victime dans sa sphère personnelle jusqu'à la consolidation.
Sont ici pris en compte :
- la notion d’invalidité avant la consolidation,
- la séparation de la victime de son milieu familial et amical durant son hospitalisation,
- la privation temporaire des activité privées,
- la privation temporaire des activités d’agrément (de loisirs),
- le préjudice sexuel subi jusqu’à la consolidation.
Documents justificatifs à conserver :
- Attestation d'amis, de coéquipiers...,
- Copie de tout document permettant d’attester une pratique sportive ou de loisirs...
2°) Les souffrances endurées (SE)
Ce poste de préjudice a vocation à indemniser toutes les souffrances tant physiques que psychiques subies par la victime de la date de l'accident à la consolidation.
Documents justificatifs à réunir :
- Le dossier médical dans son intégralité,
- Les doléances de la victime...
3°) Le préjudice esthétique temporaire (PET)
Les atteintes et altérations de l'apparence physique subies par la victime jusqu'à la consolidation sont indemnisées au titre de ce poste de préjudice.
Documents justificatifs à conserver :
- Photographies de la victime antérieures et postérieures,
- Fiche de doléances de la victime...
B/ Les préjudices extra-patrimoniaux permanents
1°) Le déficit fonctionnel permanent (DFP)
Il s’agit du préjudice lié à la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel de la victime consécutivement à l’accident. A cela s’ajoutent également : les souffrances physiques et morales subies après la consolidation, ainsi que l’atteinte subjective à la qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence de la victime.
Documents justificatifs à fournir :
- Attestations de personnes de l'entourage permettant de justifier de l’impact des séquelles sur la qualité de vie,
- Photographies et attestations montrant la victime en capacité de mener une vie de loisirs ordinaire...
2°) Le préjudice d'agrément (PA)
Le préjudice d'agrément vise exclusivement à réparer l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs.
La très grande majorité des activités sportives ou de loisirs peuvent être indemnisées à condition que la victime ait pratiqué l'activité en question avant l'accident, de manière régulière et qu'elle en fasse la preuve.
Documents justificatifs à réunir :
- Licence de club de sport,
- Photographies de la victime exerçant l'activité sportive ou de loisirs,
- Attestations d’anciens coéquipiers...
3°) Le préjudice esthétique permanent (PEP)
Comme pour le préjudice esthétique temporaire, il s'agit des atteintes et altérations de l'apparence physique subies par la victime mais qui ont un caractère définitif après la consolidation.
Documents justificatifs à conserver :
- Photographies de la victime avant et après la consolidation,
- Fiche de doléances de la victime...
4°) Le préjudice sexuel (PS)
Ce préjudice comprend toutes les conséquences permanentes que l'accident peut avoir sur la sphère sexuelle de la victime. Il peut s’agir de l’atteinte morphologique des organes sexuels, de la perte du plaisir sexuel ou du préjudice lié à la difficulté ou l’impossibilité de procréer.
Documents justificatifs à réunir :
- Attestation du conjoint de la victime,
- Doléances de la victime...
5°) Le préjudice d'établissement (PE)
Le préjudice d’établissement consiste dans l’impossibilité ou la difficulté pour la victime d’instaurer une relation sentimentale durable, d’envisager de fonder un foyer, d’avoir des enfants et, de manière plus générale de réaliser tout projet personnel de vie. Est ici indemnisé le préjudice pour la victime de ne pouvoir mener une vie de famille "normale" en raison de la gravité du handicap dont elle reste atteinte après la consolidation.
Les éléments justificatifs à apporter :
- Les doléances de la victime et de ses proches,
- Tout justificatif d’un changement de mode de vie...
6°) Les préjudices permanents exceptionnels (PPE)
Il s'agit d'un poste de préjudice visant à indemniser, à titre exceptionnel, les préjudices extra-patrimoniaux atypiques de la victime qui ne peuvent être inclus dans un autre poste de préjudice.
Il s'agit de préjudices spécifiques soit en raison de la nature des victimes, soit en raison des circonstances ou de la nature de l'accident à l'origine du dommage.
Documents justificatifs à fournir :
- Attestations de proches,
- Récit de l’évènement traumatique
- Photographies …
III/ Les préjudices extrapatrimoniaux évolutifs (hors consolidation)
Ce poste concerne toutes les pathologies évolutives. Il s’agit notamment de maladies incurables susceptibles d’évoluer et dont le risque d’évolution constitue en lui-même un chef de préjudice distinct qui doit être indemnisé en tant que tel.
Tel est le cas du préjudice lié à la contamination par le VIH, l'hépatite C, la maladie de Creutzfeld-Jacob ou l'amiante.
Les composantes de ce poste de préjudice sont les suivantes :
- l’annonce de la contamination par un agent pathogène susceptible d’engager le pronostic vital à plus ou moins brève échéance et dont les traitements lorsqu’ils existent, ont des effets secondaires particulièrement sévères,
- l’angoisse de la victime quant à son avenir en raison des risques d’évolution de la pathologie,
- la nécessité de se soumettre à des bilans médicaux réguliers, ravivant à chaque examen l’angoisse de se savoir atteint par une maladie grave,
- la dégradation du climat familial, social et professionnel,
- l’obligation de se soumettre à des traitements aux effets secondaires délétères,
- dans les cas les plus graves, processus progressif et rapide de dégradation de la victime aboutissant au dommage corporel dans des souffrances extrêmes.
Documents justificatifs à réunir :
- Attestations de proches,
- Doléances de la victime...
Maître Stéphanie Christin, avocat spécialiste en dommage corporel, est au service des victimes pour l'indemnisation de leur préjudice.
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