Explosion du syndrome du bébé secoué (SBS) en 2021

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Une étude menée en région parisienne par l'Hôpital Necker (associant les services d'anesthésie-réanimation, de neurochirurgie et d'imagerie pédiatriques, ainsi que l'équipe mobile de protection de l'enfance), l'Université Paris Cité et l'INSERM, a montré que l'incidence du syndrome du bébé secoué (SBS) a doublé en 2021 et la mortalité associée a décuplé par rapport à la période pré-pandémique (2017-2019).

Alors que l'hôpital Necker avait recensé 50 cas de syndrome du bébé secoué entre 2017 et 2019, 17 en 2020, 32 ont été enregistrés en 2021. Parmi eux, 9 sont décédés.


Qu'est ce que le syndrome du bébé secoué


Le syndrome du bébé secoué (SBS) est un traumatisme crânien non accidentel infligé par le secouement.

Il touche les enfants de moins d'1 an, dans deux tiers des cas, de moins de 6 mois, et concerne en majorité des garçons. 10 % en meurent et 75 % conservent des séquelles toute leur vie. Le syndrome du bébé secoué est plus souvent le fait des pères et des nounous. Tous les milieux sociaux sont concernés.


Dans le syndrome du bébé secoué, le bébé est empoigné par un adulte qui le secoue pour le faire taire car il ne supporte plus ses pleurs.

Le secouement est donc un acte volontaire; lorsqu'un adulte secoue un bébé pour le faire taire, c'est lui seul qui veut l'acte, même s'il n'en recherche pas les conséquences (il faut effectivement bien dissocier la volonté de l'acte de secouement, de celle des conséquences de l'acte).

Le secouement est un geste violent et souvent réitéré; ce n'est pas un geste malencontreux de la vie quotidienne. De même que le secouement n'a rien à voir avec le jeu.

Le secouement sans impact suffit à créer des lésions.


Les tableaux cliniques présentés par un bébé secoué


Les présentations cliniques sont variées pouvant aller jusqu'au décès inexpliqué.

Parfois, l'enfant est victime d'un malaise grave : il perd conscience ou devient somnolent, pâle, ne respire plus ou mal, ses yeux sont révulsés.

Parfois, le tableau est moins sévère, faisant souvent porter à tort le diagnostic de gastro-entérite aigüe: l'enfant peut présenter soudainement des régurgitations ou des vomissements inhabituels, sans fièvre ni diarrhée, il est moins tonique, tient moins bien sa tête, interagit moins, sourit moins ou a des troubles du sommeil.

Il faut donc consulter un médecin au moindre doute afin que l'enfant soit examiné de manière approfondie.

La constatation d'ecchymoses chez un bébé qui ne sait pas marcher doit immédiatement alerter.


Les séquelles du secouement


Le bébé secoué est un traumatisé crânien.

Le pronostic à moyen et long terme - moins bon chez l'enfant que chez l'adulte en cas de traumatisme crânien accidentel - l'est encore moins dans le cas du bébé secoué car il s'agit d'un très jeune enfant et que les lésions sont souvent diffuses, deux facteurs identifiés de mauvais pronostic.

En effet, le cerveau d'un enfant n'est pas un cerveau adulte en miniature, mais un cerveau en plein développement.

Les enfants qui restent indemnes de séquelles sont minoritaires.

Ces séquelles sont principalement intellectuelles (possible déficience intellectuelle), comportementales (défaut de concentration, d'attention, hyperactivité, impulsivité, agressivité, défaut d'initiative ou d'intérêt...), visuelles (baisse d'acuité visuelle pouvant aller jusqu'à la cécité, défat d'exploration visuelle...), mais aussi motrices (hémiplégie, maladresse).

Les séquelles peuvent n'apparaître qu'à retardement.

Lorsqu'elles sont avant tout intellectuelles et comportementales, constituant un handicap dit "invisible", celles-ci sont d'autant plus difficile à appréhender.


Les critères de diagnostic


C'est parce que le diagnostic de secouement était difficile à poser qu'une audition publique a été organisée par la SOFMER.

Les conclusions en ont été promues par la Haute Autorité de Santé (HAS) le 13 septembre 2011 sous la forme de recommandations aux professionnels de santé et d'un rapport d'orientation.

Il ressort de cette audition que, ni une manoeuvre de réanimation, ni un manque d'oxygène, ni une chute de faible hauteur ne peuvent provoquer les lésions du syndrome du bébé secoué.

Des critères diagnostiques de secouement fondés, de façon novatrice, non pas sur les facteurs de risque, mais sur les seules lésions et sur l'histoire clinique ont été proposés par la commission d'audition et validés par la HAS en 2011.

Ces recommandations de bonnes pratiques ont été actualisées en 2017. Ainsi, les critères de diagnostic ont été affinés, d'autres mécanismes récemment invoqués ont été éliminés, tels les vaccins, le bilan à effectuer en cas de suspicion de syndrome du bébé secoué a été précisé, les radiographies de squelette à réaliser ont été listées tout comme les modalités de l'IRM.


Les droits du bébé secoué


Le bébé secoué est toujours la victime d'une infraction pénale.

Cette infraction peut être qualifiée de délit ou de crime selon la gravité des conséquences du secouement.

Il faut toutefois signaler que les peines infligées à l'auteur du secouement peuvent souvent paraître dérisoires face à la tragédie pour les parents.

Dès lors que le secouement est certain ou probable, la commission d'audition a préconisé un signalement avec copie au président du conseil départemental.

Le procureur peut décider d'une enquête pénale afin de connaître les faits générateurs des lésions subies et l'auteur du secouement. L'objectif étant d'aider l'adulte à ne pas recommencer, mais également d'écarter les soupçons pouvant peser sur l'entourage.

Le procureur peut également prendre des mesures pour protéger l'enfant et préserver ses droits. Tant que l'enfant est mineur, ses intérêts sont représentés par ses parents. Si les parents défaillent dans leur mission, un relais légal doit lui être substitué. En effet, les contextes de secouement peuvent rendre nécessaire la désignation d'un administrateur ad hoc pour préserver les intérêts et l'indépendance de l'enfant. Dans ce cas, c'est l'administrateur ad hoc qui interviendra, se constituera au nom de l'enfant dans les procédures et choisira un avocat pour l'assister.


L'indemnisation du bébé secoué


Les lésions neurologiques provoquées par les secouements peuvent générer des séquelles majeures et irréversibles. Pour ces raisons, le bébé victime de secousses a droit à l'indemnisation intégrale des préjudices qui lui ont été causés et qui affecteront sa vie entière.

Pour ce faire, il est souhaitable de s'orienter vers un avocat formé au droit du dommage corporel et aux spécificités du traumatisme crânien.


L'enfant, en tant que victime d'une infraction pénale, peut bénéficier d'une indemnisation même si l'auteur n'est pas identifié, dès lors que le secouement est retenu. Il est donc important qu'il le soit, même si l'auteur n'est pas identifié.

L'objectif de la procédure en indemnisation est d'identifier les préjudices subis par l'enfant et de les évaluer au fur et à mesure de son développement afin d'obtenir les moyens humains, financiers et matériels, visant à compenser tout au long de sa vie les dommages directement liés aux secousses.


En pratique, la procédure d'indemnisation est diligentée devant la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions (CIVI). En effet, conformément aux dispositions de l’article 706-3 du Code de Procédure Pénale cette Commission peut être saisie par toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d’une infraction, lorsque ces faits, soit ont entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnelle égale ou supérieure à un mois, soit sont prévus et réprimés par les articles 222-22 à 222-30, 224-1 A à 224-1 C, 225-4-1 à 225-4-5, 225-14-1 et 225-14-2 et 227-25 à 227-27 du Code Pénal.

Cette énumération intègre toutes les qualifications pénales susceptibles d'êtres retenues dans le cadre du syndrome du bébé secoué.

Le seul cas où l'enfant ne sera pas indemnisé par la CIVI est celui où l'enquête aura infirmé le diagnostic de secouement.


La CIVI peut être saisie sans attendre l'issue de la procédure judiciaire, ce, d'autant plus que le délai pour la saisir est très court.

En effet, la demande d’indemnisation doit être présentée dans un délai de 3 ans à compter de la date de l’infraction, ou dans l’année suivant la décision judiciaire ayant définitivement statué sur l’action publique ou sur l’action civile engagée devant la juridiction répressive conformément à l’article 706-5 du Code de procédure pénale. 


Contrairement à une idée souvent répandue, la minorité de l'enfant ne suspend pas ce délai!

Le versement de l’indemnisation décidée par la CIVI est assuré par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions (FGTI).

En conclusion:

Le syndrome du bébé secoué est la forme la plus grave de maltraitance et de négligence envers les enfants et la cause la plus fréquente de décès traumatique chez les nourrissons dans les pays à hauts revenus.

Malheureusement, trop de gens ignorent que secouer un bébé peut entraîner des séquelles aussi considérables. Par ailleurs, c'est un phénomène qui reste aujourd'hui encore mal connu de beaucoup de parents et de professionnels et souvent sous diagnostiqué. En effet, le secouement est rarement déclaré. De plus, un certain nombre de bébés secoués n'ont pas de symptômes suffisamment graves pour être amenés à l'hôpital. Chez ces enfants, pour lesquels le diagnostic ne sera jamais posé pourront être constatées plus tard, des séquelles inexpliquées, comme un défaut d'apprentissage, une maladresse, une épilepsie..

Il ne faut donc pas négliger l'alerte lancée par cette étude et ne pas hésiter à renforcer l'information et la prévention tant auprès des parents qu'auprès des professionnelles de la petite enfance.

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Maître Christin, avocat spécialiste en droit du dommage corporel, est au service des victimes d'infractions pénales.

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