L'introduction de la notion de non-consentement dans la définition pénale du viol et des agressions sexuelles

Brouillon -

Après l’Assemblée Nationale, le Sénat a, le 29 octobre dernier, adopté à une très large majorité une réforme historique ; la loi introduit désormais explicitement le non-consentement dans la définition du viol et des agressions sexuelles. Cette évolution attendue depuis plusieurs années, marque un tournant majeur dans la reconnaissance des violences sexuelles et dans la prise en compte de la parole des victimes.

Jusqu’à présent, le premier alinéa de l’article 222-22 du Code pénal était ainsi rédigé :

« Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ou, dans les cas prévus par la loi, commise sur un mineur par un majeur. »

Le premier alinéa de l’article 222-23 définissait quant à lui le viol en ces termes :

« Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. »                                                                                     

Ces définitions restrictives conduisaient à de nombreux classements sans suite, notamment dans les cas de sidération, de dissociation ou de soumission chimique. En effet, comment prouver la contrainte lorsque la victime, paralysée par la peur, ne s’est pas débattue ou lorsqu’elle était sous emprise ?

Le procès des viols de Mazan à l’automne 2024, a mis en lumière cette injustice.
Une cinquantaine d’hommes y ont été jugés pour le viol de Gisèle Pélicot, droguée par son mari et inconsciente au moment des faits. Ce procès a suscité une prise de conscience nationale sur la nécessité de mieux protéger les victimes et d’adapter la loi à la réalité des violences sexuelles.


Le nouveau texte repose donc sur un principe simple et clair : Tout acte sexuel non consenti constitue un viol ou une agression sexuelle.

L’article 222-22 du Code pénal sera modifié ainsi :

« Constitue une agression sexuelle tout acte sexuel non consenti commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur ».

Deux alinéas seront par ailleurs ajoutés pour introduire la notion de consentement :

« Au sens de la présente section, le consentement est libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable. Il est apprécié au regard des circonstances. Il ne peut être déduit du silence ou de la seule absence de réaction de la victime », et « il n’y a pas de consentement si l’acte à caractère sexuel est commis avec violence, contrainte, menace ou surprise, quelle que soit leur nature ».

L’article 222-23 du Code pénal qui prévoit que « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol » est réécrit en ajoutant « ou bucco-anal. »

Désormais, le consentement devra être :

  • libre : donné sans contrainte, menace ou pression,
  • éclairé : impossible sous l’emprise de drogues, d’alcool ou en situation de vulnérabilité,
  • spécifique : consentir à un acte ne signifie pas consentir à tous les actes,
  • préalable et révocable : il peut être retiré à tout moment car dire oui une fois ne signifie pas dire oui pour toujours.

Ainsi, contrairement à l’adage « Qui ne dit mot consent », le consentement ne pourra au contraire, jamais être déduit du silence ou de l’absence de réaction de la victime.

Cette nouvelle approche permettra d’appréhender plus efficacement les violences sexuelles lorsque la victime est endormie, inconsciente, sous emprise ou en état de sidération.

Cette réforme constitue un progrès majeur pour les victimes. Elle tient compte d’une réalité trop souvent méconnue : Près de 90 % des viols sont commis sans usage de violence physique, et environ 70 % des victimes présentent une sidération péri-traumatique, les empêchant de réagir.

Désormais, le silence, la peur ou l’immobilité ne pourront plus être interprétés comme un consentement. Les enquêteurs et les magistrats devront examiner les circonstances entourant l’acte pour apprécier si le consentement a été réellement libre et éclairé.

Certains craignaient que cette réforme entraîne une « inversion de la charge de la preuve ». Il n’en n’est rien. Le principe fondamental reste inchangé : c’est toujours au Ministère Public ou au juge d’instruction qu’il conviendra de démontrer que la personne mise en cause n’a pas mis en œuvre les mesures raisonnables pour vérifier le consentement de son ou sa partenaire, ou a obtenu un consentement dans des circonstances où il ne peut être considéré valable, ou a fait usage de violence, menace, contrainte ou surprise.

Il ne s’agit donc pas d’un renversement de la charge de la preuve, mais d’un changement de paradigme, recentrant le débat sur la responsabilité de l’auteur et non sur le comportement de la victime.

Les enquêteurs et les magistrats n’auront plus à rechercher si la victime s’est débattue ou opposée mais si la personne mise en cause a vérifié le consentement, de quelle manière et quelles vérifications elle a réalisées en l’absence de consentement exprimé verbalement.

Aux formules souvent entendues :« Comment pouvais-je deviner qu’elle n’était pas d’accord ? Elle n’a rien dit ! » les juges pourront désormais répondre « justement, comment pouvez-vous être sûr qu’elle l’était ? »

Le fait de porter davantage d'attention à l'explication donnée par l'auteur présumé des violences sexuelles doit aussi permettre aux victimes de ne plus craindre d'être culpabilisées et exposées à des préjugés concernant le viol dans le système pénal, et de se sentir mieux comprises.

L’adoption de ce texte est selon nous une avancée majeure pour toutes les victimes de violences sexuelles.

La France rejoint ainsi les pays ayant déjà modifié leur législation en ce sens, parmi lesquels le Canada, la Suède, l’Espagne ou encore la Norvège.

Le texte devrait entrer en vigueur prochainement après promulgation par le Chef de l’Etat.

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