Lettre ouverte à E. Macron sur l'exclusion de toute indemnisation des proches des victimes non décédées des attentats

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Dans une lettre ouverte adressée au Président de la République le 26 octobre dernier, l'ANADAVI, la FENVAC, l'AFVT, 13Onze15 et Promenade des Anges demandent la reconnaissance du droit à indemnisation des proches des victimes survivantes aux attentats.

https://www.anadavi.com/


En plein procès des attentats du 13 novembre 2015, alors que les victimes ont exprimé combien l'attentat avait impacté leur vie mais également celle de leurs proches, leur créant un vrai préjudice distinct, le Fonds de Garantie a obtenu de la Cour d'Appel de PARIS (Pôle 4 - Chambre 12), dans trois arrêts du 16 septembre 2021, qu'elle exclue toute indemnisation pour les proches des survivants.

Selon l'argumentaire du Fonds de Garantie, les articles L 126-1 et L 422-2 du Code des Assurances ne reconnaitraient le droit à indemnisation des victimes d'actes de terrorisme qu'à ces dernières ou à leurs ayants droit, excluant ainsi les proches des victimes non décédées.

Soulignons à cet égard le cynisme du Fonds de Garantie qui n'hésite pas à tenir un double discours.


D'un côté, le Fonds, dans sa communication officielle n'exclut pas par principe une telle indemnisation, précisant toutefois qu'une telle indemnisation ne concernerait que les proches des victimes les plus gravement blessées. Pour preuve, le guide pour l'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme édité par le FGTI lui-même reconnait expressément un droit à indemnisation des victimes indirectes, y compris en cas de survie de la victime directe.

De l'autre, le Fonds, par l'intermédiaire de ses conseils, soutient l'exclusion de tout droit à indemnisation des proches de victimes rescapées.


Pourtant, l’article L. 126-1 du Code des assurances dispose que :

"Les victimes d'actes de terrorisme commis sur le territoire national, les personnes de nationalité française victimes à l'étranger de ces mêmes actes, y compris tout agent public ou tout militaire, ainsi que leurs ayants droit, quelle que soit leur nationalité, sont indemnisés dans les conditions définies aux articles L. 422-1 à L. 422-3.".

Selon l’article L 422-2, alinéa 1 du Code des Assurances:

"Le fonds de garantie est tenu, dans un délai d'un mois à compter de la demande qui lui est faite, de verser une ou plusieurs provisions à la victime qui a subi une atteinte à sa personne ou, en cas de décès de la victime, à ses ayants droit, sans préjudice du droit pour ces victimes de saisir le juge des référés."


Ainsi, contrairement aux prétentions du Fonds de Garantie, l’obligation à indemnisation du FGTI ne comporte pas de restriction à l’égard des victimes par ricochet.


C’est ce qu’avait d'ailleurs rappelé la Cour d’Appel de PARIS dans 2 arrêts rendus au bénéfice de victimes par ricochet d’attentats un an plus tôt (CA Paris, pôle 1 – ch.8, 16 oct.2020, n° 19/15497 et CA Paris, pôle 1 – ch.8, 2 juill.2021).


En effet, si le FGTI assimile les victimes par ricochet aux seuls ayants droit de la victime directe, il convient néanmoins de préciser que le terme victime par ricochet relève d’une acception plus large, comme l’illustre la nomenclature élaborée en 2005 par le Groupe de travail dirigé par Monsieur Jean-Pierre DINTILHAC sur l’élaboration d’une nomenclature des préjudices corporels, désormais adoptée par les tribunaux judiciaires.


Or, cette nomenclature prévoit non seulement l’indemnisation des victimes directes mais également celle des victimes indirectes.

En effet, en cas de survie de la victime directe, les victimes par ricochet sont en droit de solliciter l’indemnisation des postes de préjudice suivants :

  • Perte de revenus
  • Frais divers
  • Préjudice d’affection
  • Préjudices extra-patrimoniaux exceptionnels (troubles dans les conditions d’existence).

En faisant sienne la position du Fonds de Garantie la Cour d'Appel crée une inégalité de traitement entre les victimes au détriment des victimes d'attentats.


Or, comme l'ont fait remarquer les associations signataires de cette lettre ouverte:

Dénier définitivement tout droit à réparation aux proches des victimes survivantes pour leur préjudice personnel découlant de l’acte terroriste enverrait le message cruel d’une société qui ne reconnait pas leurs douleurs.

Une telle exclusion de principe apparaît inacceptable. Aussi, espérons que cette lettre ouverte, dont les associations signataires ont tenu à souligner le caractère exceptionnel, ne reste pas lettre morte...

2021-10-26-lettre-des-associations-au-president-de-la-republique.pdf

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Maître Christin, avocat spécialiste en droit du dommage corporel, est expert dans l'indemnisation des victimes d'attentats.

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